Se démarquant de la sculpture des dernières décennies qui émanait essentiellement de pratiques « post-ready-made » (production renouvelée d’objets standardisés), de démarches relationnelles (installations interactives) ou d’assemblages de matériaux recyclés, cette « extended sculpture » utilise l’espace comme matériau premier du volume plastique et comme fondement même de l’oeuvre.
Héritiers plus ou moins affirmés des avant-gardes de la fin des années 60 (Art minimal, Land art), les artistes réunis dans l’exposition ont donc en commun d’être des sculpteurs qui entendent explorer l’espace dans ses multiples acceptions : celui généré par le corps du spectateur, le volume architectural, l’espace mental et imaginaire, l’étendue cosmique… en le sondant, le contraignant, l’outrepassant, le réinventant. Chacun, à sa manière, aspire à repousser les limites physiques de l’espace, à le sonder dans toutes ses dimensions, y compris temporelles. Ainsi, les artistes s’intéressent aux recherches formelle et mentale d’espaces hypothétiques ainsi qu’à une manipulation de l’idée d’univers, motivés par la force d’attraction du non-représentable.
Déconstructeurs et illusionnistes à la fois, ils sont des « fabricateurs » dans le sens où ils inventent des espaces étranges, aux confins de l’irrationnel, avec lucidité toutefois, en s’appropriant librement les modèles scientifiques comme les références artistiques. Se souvenir des fondamentaux de la sculpture du XXe siècle éclaire les enjeux de l’exposition et contribue à souligner la maturité du travail de ces jeunes artistes, leur capacité à réinvestir des recherches artistiques radicales.
Matériau spéculatif, l’espace est souvent « théâtralisé » par les Fabricateurs, soumis à trouvailles, affabulations, démolitions, transformations. Désireux de mettre en question la stabilité et la gravité, les artistes créent des oeuvres qui conjuguent pensée et expérience de l’espace. Ainsi, le pouvoir narratif des oeuvres peut engendrer de nouvelles représentations de l’espace, et leur potentiel cinématique (production d’un mouvement) sollicite une nouvelle perception par le visiteur.
Fabricateurs d’espaces désigne une recherche d’apesanteur et des expressions inédites dans le champ de la sculpture, selon un imaginaire ouvert, mais avec une conscience tantôt critique tantôt ludique des limites humaines et terrestres. C’est bien la question de l’utopie, avec celle d’un futur à réinventer, qui traverse ainsi cette exposition.