En chemin, différents récits de vies ou expériences en temps réel sont livrés,confrontant la mise en récit à l'expérience. Leur puissance évocatrice est renforcée par le lien qu'entretiennent les œuvres avec le langage, que celui-ci soit de l'ordre de la lutte ou de la disjonction. La question des limites est posée, avec ce qui borne, ce qui entrave et qui appelle des stratégies de contournement ou de dépassement pour sortir du cadre ou produire une stridence, un larsen visuel. Hors-champ, déraillement du modèle ou puissance du factice, tous sont à chaque fois la matière ou le sujet d’un surgissement, sans doute l’une des composantes essentielles de cette exposition.
Les oeuvres présentées empruntent souvent une voie qui mène du document au poème, par prélèvement du réel qui, à force de descriptions et d'observations accrues, prend vie sous nos yeux et opère une métamorphose de l'herbier en jardin. La rumeur du monde recueillie et les différents états de la société qui sont documentés produisent ainsi une forme d'éblouissement ou de retournement du projecteur depuis la scène en direction du regardeur.
Si le rapport entretenu avec le langage tente de déjouer l'exercice de son contrôle sur l'expérience, la notion de récit traverse toute l'exposition : à travers la figure du chroniqueur, du conteur, mais aussi à travers la présence de l'anecdote ou du fait-divers. Plus qu'une critique de l'ordre établi ou qu'une satire de la société, les artistes nous livrent une vision du monde profondément travaillée par le mouvement courbe d'une révolution : une torsion pouvant s’animer du souffle de la résistance et d'une énergie parfois aussi destructrice que créatrice.