Fabien Giraud & Raphaël Siboni

INFANTIA (1894-7231)

du  au 
Fabien Giraud et Raphaël Siboni créent une œuvre protéiforme dont les films, performances et sculptures présentent des hypothèses alternatives à notre passé et à notre futur comme autant de possibilités de nous transformer au présent.

Après The Unmanned, série de 8 films qui retrace à rebours une histoire de l’informatique, les artistes travaillent depuis 2018 sur un deuxième cycle, intitulé The Everted Capital. Ce nouveau projet, conçu comme une spéculation performative sur le futur de la valeur, tente de produire, à travers chacun de ses épisodes et les protocoles qu’ils déploient, une fiction alternative à celle du capital.
Infantia est l’exposition d’une naissance.
Avant d’être un musée, l’IAC était une école. L’école est devenue un enfant.

Dans le corps de l’enfant, il y a : un coucher de soleil à midi, des communistes immortels qui dorment sous une pluie de sel, la mort comme atavisme, des rois Lydiens et de l’argent.
Il y a aussi : une prise d’otage de 3 000 ans, une Terre qui se démantèle, une nuit sans étoile, un arbre arraché, Richard Nixon, et du vide.

À l’intérieur du musée-enfant, chaque chose, chaque objet, est la trace d’un échange, le reste d’une fiction de valeur. Le musée-enfant contient tous les échanges mais n’est réductible à aucun, car si tout s’échange, lui n’est échangeable contre rien. Mais si, plus tard, l’enfant grandit, son enfance ne sera pas un « avant », cet âge que nous, les grands, aurions perdu : non pas l’inévaluable valeur de l’enfance, celle d’avant l’échange et les comptes, mais une enfance de la valeur elle-même.

À l’IAC, INFANTIA (1894-7231) rassemble pour la première fois le prologue de The Everted Capital ainsi que ses deux premiers épisodes. Chacun de ces films, d’une durée approximative de 24h, filmés en temps réel, montre des corps mis à l’épreuve d’une fiction répétée et sa progressive mutation sous l’effet de la durée et de l’inévitable fatigue de ses protagonistes.
Pour l’exposition, les  protocoles à l’œuvre dans les films sont restitués dans l’espace, le visiteur en devient le témoin.

La fiction s’écoule dans le réel et le métamorphose. Elle devient à la fois l’étalon de mesure du temps et de l’espace : les heures se dilatent, les espaces se dissolvent et les objets se transforment.

Les murs traversés par une coupe déterminée par l’axe d’orientation de la terre, nous rappellent son démantèlement en cours dans l’épisode 2 de The Everted Capital (1971-4936).
De cette coupe s’écoule un fluide salé qui cristallise et infiltre toute chose sur son passage, y compris les corps en sommeil des communistes immortels de l’épisode 1 (1894-7231).
Des masques en sel, réminiscence de la monnaie utilisée par les enfants dans le film, sont dispersés et se diluent sous le goutte à goutte de clepsydres de fortune. L’éclairage varie de midi à minuit.
Des moisissures se développent et se propagent.
Tous les processus en place sont autant de moyen de mesurer le temps qui passe et prolonge ainsi l’idée du direct présent dans chacun de ces films-performances.

Sur le même axe que la coupe, des objets perforés sont reliés par une structure en rotation permanente, qui se démultiplie et se déploie au-delà du bâtiment.
Chaque objet en rotation, qui se cristallise un peu plus chaque jour, est filmé par une intelligence artificielle cherchant à reconnaître dans le réel ce pour quoi elle a été entraînée, et reconstitue en direct le visage mutant d’un nouveau-né.

C’est l’ensemble des conditions et des croisements entre réel, récit et artifice qui se manifeste au présent par l’émergence continue de cette enfant. Cette enfant d’un genre nouveau restitue pour nous l’hypothèse d’un autre monde possible où nous serions ni mortel, ni immortel, mais “plus que la vie”.

Anne Stenne, 
Commissaire de l'exposition

The Everted Capital - The Axiom, Saison 2, Prologue, 2018


The Axiom est le prologue de The Everted Capital. Il montre l’abstraction d’un paysage entièrement composé d’éléments ayant servi de monnaie à travers l’histoire humaine. Son sol rocheux est composé d’un large éventail de minéraux utilisés dans la fabrication des monnaies pré-métalliques. Sa flore est un assemblage de plantes hétérogènes dont les fruits ou les fibres ont été transformés en devises dans le monde entier. Sa faune est une improbable juxtaposition de petites espèces vivantes dont la coquille, les dents, les fourrures ou les plumes ont servi d’argent.
Dans un futur où le soleil s’est éteint, le film a été tourné dans l’obscurité totale, montrant la chaleur interne de tous les éléments qui composent son paysage discontinu et les échanges de température entre eux.

The Everted Capital (1894-7231), Saison 2, Épisode 1, 2018

En 7231, la Terre a été démantelée depuis longtemps, la mémoire de ce qu’elle fut a été oubliée.
Un groupe de communistes immortels vit maintenant sur une sphère de Dyson – superstructure construite autour du soleil et capable d’absorber l’intégralité de son énergie.
Ils font face à la réémergence de la mort et de la transaction monétaire comme atavismes de notre propre monde dans cet autre monde. 24 humains répètent 24 fois la même heure.
Chaque heure, un humain meurt. La communauté réduite s’adapte et se transforme. À la fin de la 24e heure, un seul reste : un nouveau-né immortel pour l’éternité dans les espaces vides du musée.

The Everted Capital (1971-4936), Saison 2, Épisode 2, 2019

Le 15 août 1971, alors que le processus de démantèlement de la Terre par l’accélération de sa rotation a commencé, un groupe de mortels prend une famille d’immortels en otages et se dit prêt à mourir avec la Terre. Alors qu’une équipe de télévision entre dans le bâtiment et interviewe les mortels, un bébé naît.
3 000 ans plus tard, le démantèlement de la Terre est presque terminé. Nous suivons la vie de la dernière des mortels – 82 générations plus tard – alors qu’elle répète sans cesse la prise d’otage d’août 1971.
À nouveau, une enfant naît.
Elle est le produit d’un croisement entre mortels et immortels. Ni mortelle ni immortelle, elle est « plus que la vie ». Une intelligence artificielle transforme objets et espaces en ce nouveau-né mutant. Le film est généré en temps réel et change de forme indéfiniment.

→ Jusqu'au 16 mai 2020, retrouvez la diffusion live de ce deuxième épisode, chaque vendredi à 12h jusqu'au samedi 12h, sur la page Facebook de l'Institut d'art contemporain - Villeurbanne/Rhône-Alpes. En savoir +
IAC → EXPOSITIONS → in situ → Fabien Giraud & Raphaël Siboni → INFANTIA (1894-7231)
i-ac.eu/fr/expositions/24_in-situ/2020/531_INFANTIA-1894-7231
imprimé le 06 décembre 2024 [05:06] depuis l'adresse IP : 18.97.9.173
© Institut d’art contemporain 2024