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INTRICATIONS

Une exposition personnelle de Josèfa Ntjam

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Un monde refait surface, fragment après fragment, au rythme lent de formes en recomposition. Pour sa plus vaste exposition à ce jour, Josèfa Ntjam transforme les 1200 m2 de l’Institut d’art contemporain et les vitrines de la station de métro Gare Part-Dieu en dérive sensorielle, politique et mythologique. Un territoire où tout vacille : textures, voix, mémoires. Ici, la forme suit la faille, et la légende, le battement d’un cœur souterrain.

Le titre, INTRICATIONS, vient de la physique quantique. Il dit cela : que deux particules, même séparées par des années- lumière, peuvent continuer à vibrer ensemble. C’est ce lien tissé entre des choses que tout semblait séparer – la peau et le métal, la révolte et la plante, le cri et la comète – qui irrigue toute la traversée de l’exposition.
On y entre comme dans une forêt d’images, un seuil de matière, dense, presque impénétrable. Marthe Ekemeyong Moumié, Élisabeth Djouka, Mafory Bangoura1 s’y tiennent en veille, gardiennes des récits qui vont nous être racontés. Dans leur sillage, Persona, entité mouvante, incarnée sans être assignée, est traversée de voix, de corps et de données. Elle ne parle jamais depuis un « je » unique, mais depuis un réseau : celui des mémoires noires, des lignées matriarcales, des identités queer, des histoires occultées. Sa voix est diffractée, dédoublée, comme pour signifier que toute prise de parole depuis la marge est toujours stratifiée. Dans son passage, elle creuse le lit du récit historique, laisse couler les mythes, les héritages, les possibles.

Les spiritualités liées aux éléments, les cosmogonies dogon2, fang3, bassa4, les récits nés dans l’exil... tout cela ne s’additionne pas : ils se répondent et se frottent pour produire des images nouvelles, des êtres en fuite. Car c’est bien d’une mythologie de la fuite qu’il s’agit. Pas comme abandon, mais comme stratégie, comme science de l’échappée et du déplacement. Ce tissage appelle une autre carte, un autre sol : celui du vivant, non comme décor, mais comme allié. Les figures qu’invoque Josèfa Ntjam – les mycéliums, les hydres, les coraux – ne sont pas des ornements. Elles sont langage. Elles manifestent une force discrète : celle de construire dans l’ombre en se régénérant sans fin. Le vivant, ici, est résistance. Il relie et infiltre, il soutient.

INTRICATIONS s’éprouve comme une fiction en expansion. Pour la composer, Josèfa Ntjam s’arme de tout : du carton et de la biorésine, des moteurs de jeux vidéo et de l’intelligence artificielle, du sable, du métal, des chants. Elle expérimente. Elle mêle. Elle assemble comme on invente des mondes. Les technologies deviennent organes, les matériaux des messagers, et les installations, des corps en mutation.

Autour, le cosmos résonne. Ce n’est pas un décor mais une archive à ciel ouvert, un espace pour y loger les voix que l’histoire a jetées hors-champ. En son cœur : une installation sonore, première du type pour l’artiste, pensée spécialement pour l’IAC. Centre de gravité sensible, elle agit comme un cœur battant, une chambre d’échos qui absorbe et redistribue les vibrations du parcours

Dans INTRICATIONS, la fiction est vivante. Elle n’éclaire pas, elle murmure, elle tord, elle entraîne. Et peut-être, avec elle, notre regard commence-t-il, lui aussi, à se recomposer. Josèfa Ntjam s’inscrit dans la lignée de celles et ceux qui pensent avec la fiction, non pour fuir le réel, mais pour en révéler les plis invisibles. Avec Sun Ra, Octavia Butler, Drexciya ou Kodwo Eshun5, elle rêve – oui – mais rêve avec les dents, avec les racines, avec la mer.


LA STATION DE MÉTRO GARE PART-DIEU
Du 13 septembre 2025 au 11 janvier 2026

À la station de métro Gare Part-Dieu, trois vitrines accueillent une extension de l’exposition INTRICATIONS en devenant les éclats d’un récit plus vaste, les avant-postes d’un imaginaire en propagation.

Les deux premières vitrines se présentent, à l’instar de la première salle de l’Institut d’art contemporain, comme des dioramas. Ici encore, entités biologiques, figures mythologiques et éléments contemporains composent une topographie flottante qui résonne avec les logiques de stratification chères à Josèfa Ntjam. Ces vitrines ne signalent pas : elles dérivent. Elles transforment l’attente en écoute et l’usager en témoin furtif.

La troisième vitrine rassemble les affiches des quatre œuvres vidéos projetées à l’Institut d’art contemporain — Dislocations, Myceaqua Vitae, matter gone wild, swell of spæc(i)es. Réalisées en collaboration avec Sean Hart, elles se posent en fragments d’univers, comme autant de portails vers des temporalités décentrées. Là encore, chaque image est pensée comme un organe sensible du projet : une surface à traverser plus qu’un simple visuel.

Ainsi, même au cœur du flux quotidien, INTRICATIONS continue de vibrer. Elle s’infiltre dans l’ordinaire, glisse entre deux correspondances, appelle à une attention plus poreuse. Car ici aussi, entre carrelage et métal, quelque chose respire.





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imprimé le 27 juillet 2025 [10:41] depuis l'adresse IP : 216.73.216.123
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